Malgré l’existence des postes de sécurité publique, dans certaines localités du Nord Ouest et du Sud Ouest (NoSo) sont victimes d’attaques violentes, attribuées aux séparatistes anglophones. La Constitution du Cameroun et les conventions internationales qui soulignent le caractère sacré de la vie, la nécessaire protection des populations civiles en zone de conflit n’y sont pas respectées.

Le lycée technique d’Esu dans le département de la Menchum, qui bénéficie d’un poste de police et un autre militaire selon une source locale, a été victime d’une attaque le 12 décembre 2023. Selon le communiqué du préfet, Abdoullhi Aliou, des élèves ont été déshabillés et torturés, des salles de classe incendiées, le censeur, le surveillant général et 8 élèves garçons enlevés.

D’autres sources ont parlé de 15 élèves enlevés, avant d’être finalement relâchés. Les hommes armés, qu’on soupçonne être des séparatistes, ont laissé l’établissement scolaire en feu.

Ces faits ne sont pas nouveaux. En effet, on a encore en mémoire l’attaque du 21 novembre 2023 à Bamenyam qui a causé la mort de 6 personnes et laissé plusieurs blessés. Des enlèvements ont également été enregistrés. On peut de plus évoquer la vingtaine de civils qui ont été brulés vifs dans leur sommeil, par des supposés séparatistes, dans la nuit du 06 novembre 2023 au village Egbekaw, dans l’Arrondissement de Mamfé, Département de la Manyu, Région du Sud-Ouest. Des blessés graves ont été enregistrés ainsi qu’une dizaine de maisons brûlées, selon le sous-préfet, Viang Mekala. L’autorité administrative soutenait alors que ces terroristes seraiennt arrêtés et traduits en justice.

Depuis 2016, début de la crise dans les région du Nord-Ouest et du Sud-ouest (NoSo), ces exactions meurtrières ont tendance à se propager.

Sécurité à rude épreuve pour les populations

Le fait remarquable est que ces attaques surviennent alors même qu’ils existent parfois des postes de sécurité publique dans certaines de ces localités. Ce qui suscite des interrogations d’autant plus que, dans la Constitution, l’Etat s’engage à assurer la sécurité des populations partout où elles se trouvent. Le préambule du texte fondamentale prévoit à ce propos que “la liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect du droit d’autrui et de l’intérêt supérieur de l’Etat”. Encore que “toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale”, précise la Constitution qui en outre lui accorde le droit de s’installer partout où elle le souhaite.

D’un autre côté, on note avec amertume que les hommes armés ou séparatistes ne respectent pas les conventions internationales qui protègent les civils dans les situations de crise ou de conflit. Ils s’assimilent alors à une menace pour la paix, la quiétude et la sérénité des populations. Ceci, en violation flagrante entre autres du Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 Août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II). Le texte international précise en son article 13: 2 que “Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne devront être l’objet d’attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile.” Ces hommes armés semblent en outre ne pas tenir compte de l’article 3 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) qui veut que “Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.”

Les actes de violence qui sont enregistrés au cours des attaques imputées à ces personnes non identifiées sont des témoignages qui mettent à mal les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui rappelle à son article 6.1 que “Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.” et que (article 7), “Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.”

Paradoxe de la sécurité

Au regard des évènements, tout porte à croire que les civils sont en insécurité d’un côté comme de l’autre : l’Etat qui semble ne pas jouer son rôle ; les séparatistes ne tiennent pas compte des conventions internationales qui protègent les civils en zone de conflit. De plus, on est tenté de se poser la question de savoir pourquoi, malgré les postes de sécurité publique qui existe dans des zones reconnues comme à risque, on continue d’enregistrer de telles attaques. Très souvent, les deux parties se rejettent la responsabilité des crimes perpétrées contre les populations civiles.

L’expert international et stratège Charly Kengne dresse le constat selon lequel l’Etat fait déjà face à de nombreux challenges sécuritaires: la lutte contre Boko Haram dans la région septentrionale ; la sécurisation de la frontière entre le Cameroun et la République Centrafricaine qui sort de plusieurs années de guerre et les autres défis liés à la sécurité quotidienne dans les villes du pays. Quand on ajoute la crise récente dans le NoSo et ses “extensions”, l’Etat doit davantage se mobiliser du point de vue de la sécurité.

Bien plus, fait remarquer M. Kengne, l’Etat doit déployer son effectif militaire sur l’ensemble du territoire national de manière à rationaliser sa présence en tout lieu. Ce qui n’est pas du tout facile, soutient-il. Celui-ci tient cependant à préciser qu’on ignore l’effectif exact des personnes chargées d’assurer la sécurité nationale au quotidien au Cameroun (Raison d’Etat). “La guerre coûte chère”, martèle l’expert lorsqu’il affirme que les capacités financières de l’Etat sont mises à rude épreuve ces dernières années pour assurer la sécurité de manière générale sur l’ensemble du territoire national.

En seconde analyse, M. Kengne insiste sur le caractère asymétrique des crises actuelles où les séparatistes ou hommes armés non identifiés ne respectent pas les conventions internationales. A l’exemple du Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II) qui, en son article 4(1), insiste sur le fait que “Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu’elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable. Il est interdit d’ordonner qu’il n’y ait pas de survivants”. Or, on ne cesse d’enregistrer des actes proscrits par exemple par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : mort d’hommes, incendies des domiciles et biens emportés ou consommés, etc. Pourtant l’article 7 du Pacte souligne que “Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants”.

Crimes dénoncés

Ces actes violents sont dénoncés aussi bien par le gouvernement que par la société civile voire les figures publiques majeures. A cela s’ajoutent les institutions nationales de défense et de protection des droits de l’homme.

Le gouvernement dans ses différentes communications à titre d’exemple s’acharne sur ceux qu’il qualifie de “Terroristes”, et à qui il promet la rigueur de la loi.

L’honorable Donald Malomba Esembe, député du Sud-Ouest, à Mamfé, dans sa sortie sur Facebook après l’attaque d’Egbekaw n’est pas allé de main morte : “Honte aux terroristes ! Chers amis de la paix, ne laissez pas prendre votre imagination en otage. Ils ont perdu ! Abandonnez la peur et libérez votre communauté. Seigneur accordez le repos éternel à ces âmes innocentes et réconfortez ceux qui le cœur brisé”, a dit le député.

L’organisation non gouvernementale (Ong) quant à elle n’a de cesse de rappeler que “selon le droit international des droits de l’homme, le Gouvernement camerounais a l’obligation absolue, de respecter et de faire respecter le droit à la vie, d’empêcher l’exécution extrajudiciaire de personnes civiles, y compris des groupes armés séparatistes, que ce soit par la police ou d’autres forces de sécurité, de faire appel à ses forces de sécurité pour veiller, dans la mesure du possible, à ce que la population vivant dans le pays ne soit pas assassinée par des agents non étatiques tels que des groupes armés séparatistes qui écument les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et doit ouvrir une enquête sur les responsables d’exécutions illégales et les traduire en justice”. S’agissant des séparatistes, son Secrétaire Exécutif permanent tempête en affirmant que “les chefs rebelles sont tenus par les dispositions du Droit International Humanitaire et doivent répondre de leurs actes quel que soit le lieu où ils se cachent”.

Hervé Ndombong (JADE)

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